Nous poursuivons notre série d’articles sur l’impact de l’intelligence artificielle sur le marché de l’immobilier d’entreprise. Réalités, promesses ou science-fiction ? Un décryptage s’impose. Dans ce troisième article, nous nous penchons sur les enjeux de l’IA dans les métiers de la commercialisation.
05.07.2022
L’impact de l’IA sur les métiers de la commercialisation :
grand remplacement ou ‘super agent’ ?
Saviez-vous qu’en scannant la truffe de votre chien, vous tenez une façon unique de l’identifier et de le retrouver plus facilement s’il partait à l’aventure ? Telle est la promesse de Petnow, startup coréenne qui utilise l’IA pour identifier un chien perdu, sans passer par un tatouage. En matière d’intelligence artificielle, chaque jour amène un nouvel usage, parfois très concret.
Quel rapport avec l’immobilier ? La data, l’IA et le référentiel. Parfois on aimerait disposer d’un référentiel unique au monde pour identifier un immeuble ou un lot. Un actif peut avoir plusieurs adresses, un nom commercial, utiliser plusieurs parcelles cadastrales, avoir de multiples étages, divisés eux-mêmes en lots différents. A l’échelle d’un pays, la construction d’un référentiel unique relève d’un casse-tête. Si vous ajoutez à cela un périmètre qui couvre plusieurs communes avec des volumes répartis sur plusieurs niveaux, vous comprendrez pourquoi le directeur de l’Etablissement de la Défense n’est pas en mesure de fournir précisément la taille du parc en m², du 1er quartier d’affaires en Europe. Imaginez ce que ça peut donner dans des pays où le cadastre n’existe pas. De nouveaux référentiels peuvent voir le jour et devenir des standards internationaux. La startup what3words a ainsi découpé la surface du globe en carrés de 3 m sur 3, et affecté une adresse unique à chaque carré sous forme de 3 mots. En ville, nos adresses fonctionnent plutôt bien mais dans des endroits plus reculés, ou lors d’événements de masse, cela peut s’avérer très utile. Cela peut ressembler à un gadget, mais l’adresse en 3 mots est devenue un nouveau référentiel international pour DHL, Domino’s Pizza, Ford ou les services d’urgence canadiens (si vous venez dans les bureaux de la Place de l’Immobilier, voici notre adresse sur l’appli en question 😉 : ///amusante.admettant.blaguer)
Immobilier résidentiel et tertiaire
Le référentiel est la base de la data et l’IA permet de traiter et de valoriser un grand nombre d’informations. Sans un nombre suffisant de données, les modélisations intégrant de l’IA ne peuvent pas offrir de meilleurs résultats. C’est aussi une différence importante entre l’immobilier résidentiel et tertiaire. De nombreuses nouvelles technologies s’appliquent aussi bien dans les différents segments : visites virtuelles, modélisations 3D, sites d’annonces… Pour autant, le produit immobilier tertiaire est plus complexe, plus fragmenté, plus réglementé et le volume de données est moins important. Pour établir un modèle de prédiction ou d’évaluation d’une valeur, et exploiter le potentiel de l’IA, il faut donc disposer d’un volume suffisant, ce qui n’est pas toujours le cas en immobilier d’entreprise. Depuis 2019, les DVF permettent à tout particulier ou professionnel d’accéder aux valeurs des biens vendus et ceci constitue un progrès très important, que de nombreuses startups ont su exploiter. Mais la nature « Local industriel, commercial ou assimilé » représente moins de 10% du nombre total des mutations et il s’agit uniquement des ventes.
Ces remarques préalables étant formulées, venons au cœur du sujet de ce 3e volet sur l’impact de l’IA sur le marché immobilier : la commercialisation.
Evaluer un bien – Améliorer sa connaissance de marché
Grâce à l’open data et à des applications comme celle des DVF, on peut désormais avoir facilement accès à des fourchettes de valeur, qui viendront confirmer sa connaissance du marché ou permettre à un professionnel d’intervenir sur un nouveau secteur. Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, l’exploitation d’un grand volume de valeurs de transaction, optimisée avec l’IA, offre des estimations précises, qui devront être complétées par une analyse de terrain. Le principal reproche qui peut être fait à ces applications est qu’elles ne peuvent prendre en compte l’état du bien vendu (ou partiellement) ou certains paramètres qualitatifs.
Valoriser le bien – Optimiser l’annonce – Simplifier le process
Rédiger une nouvelle annonce, réaliser des photos qui mettent le bien en valeur, récupérer et mettre en ligne les plans d’étage… ne sont pas les tâches les plus excitantes du métier d’agent. Et pourtant les éléments précités sont essentiels pour attirer les leads et conforter le vendeur dans son choix. C’est sur ce créneau que se sont développées certaines proptechs, en intégrant de l’IA. Deep Flow Realty ou Sylabbs proposent de générer automatiquement des textes d’annonces, Meero d’optimiser les photos de biens, SOLEN de prévoir l’ensoleillement d’un bien, Labsense d’améliorer le référencement naturel (SEO) pour que l’annonce gagne en visibilité. De nombreuses applications, avec ou sans IA, permettent ainsi à l’agent de gagner en productivité et de consacrer davantage de temps au relationnel sur le terrain.
Gérer la relation Clients
Les bots, messageries intelligentes et autres outils conversationnels offrent des avantages indéniables : ils permettent de répondre à une demande à tout moment (y compris soirs et weekends). Ces outils sont désormais accessibles à tout type d’agence, quelle que soit la taille. Le travail essentiel de l’agent se faisant en visite, ce type d’outil assure une continuité de réponse indispensable. Comme l’explique Emmanuel Françoise, fondateur de Botnation.ia, « le chatbot peut répondre à 80% des demandes simples, et préparer le lien avec un opérateur physique si le chatbot ne peut répondre. (…) Le chatbot ne fonctionne pas tout seul. Ce n’est pas une magie. Il fait partie de l’équipe, il faut aussi le former. Dès qu’il se trompe, il faut lui donner la bonne réponse pour que la prochaine fois il ne se trompe pas, comme un nouveau collaborateur. Il ne faut pas le présenter comme un outil qui va remplacer le collaborateur mais comme un assistant qui va décharger des tâches ingrates ». Cela étant, l’usage de ce type d’outil dépend également du volume d’appels entrants et du type d’interlocuteur. Il sera très utile pour filtrer et qualifier les appels entrants et premières prises de contact, sans pour autant remplacer l’échange avec l’agent.
Optimiser les recherches des prospects
Depuis que les sites d’annonces immobilières existent, les utilisateurs obtiennent des sélections de biens à partir de leurs critères. Malgré cela, ils se retrouvent parfois avec des sélections encore très importantes. Au même titre qu’Amazon ou Netflix utilisent l’IA pour suggérer des recommandations, Zillow (site d’annonces US) va combiner les critères de recherche et les données collectées sur l’acquéreur potentiel pour proposer des offres proches de ses besoins. L’analyse du parcours de l’utilisateur permet, grâce au machine learning, un rapprochement plus pertinent entre l’offre et la demande.
Identifier les bons leads entrants – Prospecter des locataires ou des acquéreurs
Dans le résidentiel, l’agent expérimenté sera capable de faire la différence entre le prospect actif et le « rêveur » qui risque de lui faire perdre son temps. Si l’IA permet de filtrer les leads entrants en distinguant les prospects sérieux des simples curieux, le temps gagné sera très apprécié. Zillow (toujours) identifie de nombreuses données sur le visiteur pour permettre de faire cette distinction. Certaines applications utilisent également le Traitement Automatique du Langage Naturel (aussi appelé NLP de l’anglais Natural Language Processing) pour analyser le profil des visiteurs en ligne.
Prospecter efficacement grâce aux modèles prédictifs
Du côté de Compass, site d’annonces n°1 sur le marché américain, on a déjà intégré l’IA pour identifier les propriétaires résidentiels qui seraient le plus prédisposés à vendre leur bien (baptisés LTS pour « Likely To Sell »). Plutôt que de prospecter une rue entière, l’agent pourra donc disposer d’une sélection de vendeurs potentiels et gagner en efficacité.
En matière d’immobilier d’entreprise, la modélisation des dates de baux permettaient d’estimer une probabilité de déménagement. L’équipe Data de la Place de l’Immobilier a poussé l’exercice plus loin en intégrant la puissance de l’IA. Au total, ce sont près de 400 champs de données qui ont été analysés sur des dizaines de milliers de déménagements d’entreprise, afin d’évaluer plus finement la probabilité de mouvement. Cette nouvelle fonctionnalité, appelée BoostIA, a été lancée en début d’année et les premiers retours de commercialisateurs sont très positifs. L’enrichissement de ces données avec le temps permettra encore d’optimiser les résultats et ces données seront précieuses, tant pour les commercialisateurs que pour les investisseurs.
Optimiser le process transactionnel et administratif
Qu’il s’agisse de boucler un financement immobilier, d’analyser un dossier de candidature ou de suivre un processus de transaction, les nouvelles technologies ont apporté des progrès significatifs en matière de digitalisation de la transaction. Sur le marché des prêts immobiliers, la société Kiilt ajoute de l’IA pour proposer un score à un dossier de financement à partir des éléments transmis et fournir une attestation de faisabilité. Tout usage intégrant l’analyse automatique de document permet de soulager le professionnel de tâches répétitives peu valorisantes (mais avec des informations clés), tout en diminuant le risque d’erreur. Comme pour le chatbot qui gère les conversations, il faut former l’outil pour lui apprendre à identifier les informations clés d’un bail commercial, tracker les faux documents ou générer un rapport de manière automatique. Sur ce segment de marché, on peut citer les sociétés suivantes : Eazyrent (collecte et analyse de dossiers locataires), Softlaw (gestion documentaire intelligente), Legalife (plateforme juridique), Drooms (data rooms en ligne) et bien d’autres.
Si on se rapproche du sujet juridique, il est important d’ouvrir une parenthèse sur l’IA et le métier d’avocat, présent également dans le process de transaction immobilière. Une partie du métier étant l’analyse de documents, certaines craintes sont apparues, prédisant la disparition progressive du métier. C’est excessif mais utile pour comprendre l’évolution future du secteur. En 2018, la société américaine LawGeek publiait une étude qui comparait l’analyse juridique réalisée par une vingtaine d’avocats confirmés et le logiciel d’IA. Ce dernier affichait un taux de précision de 94% (contre 85% pour les avocats) et un temps de travail de 26 secondes contre 92 minutes pour les humains. Bien que ces logiciels ne soient pas dans tous les cabinets d’avocats, ces derniers ne peuvent ignorer ce genre d’avancée et doivent comprendre que ces nouveaux collègues à base d’IA vont les aider pour gagner en précision et en efficacité, et peut-être finaliser des transactions plus rapidement.
Conclusion : un impact important pour une évolution positive du métier d’agent
Au même titre que le progrès technique, l’informatique et internet ont fait évoluer le métier en cinquante ans, l’arrivée de l’intelligence artificielle va changer les habitudes en matière de commercialisation. Certaines innovations l’intègrent déjà sans que l’utilisateur ne s’en aperçoive, comme pour l’analyse de données de marché ou les applications de messagerie. Plus largement, un consensus se dégage sur l’idée que l’agent ne sera pas remplacé. L’IA va lui permettre d’être plus précis dans son analyse de marché, de gagner en productivité, d’automatiser certaines tâches ingrates, de prospecter plus intelligemment et au final, de passer plus de temps sur la partie relationnelle de son métier. Et cet aspect, le plus humain et le plus important, ne craint pas la concurrence de la machine.
Merci pour vos réactions sur Linkedin lors des 2 premiers articles. Dans le prochain volet, nous aborderons les conditions de réussite d’usage de l’IA, nous tenterons de réaliser une synthèse et d’élever notre regard vers ce que nous réserve le futur de l’intelligence artificielle.
Article 4/4 > [ARTICLE] L’immobilier et l’iA : synthèse et perspectives (4/4)
Adrien MORY
Directeur Marketing, LA PLACE de l’Immobilier LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/adrienmory/ Twitter : @AdrienMory |
Pour aller plus loin :
Petnow
• https://www.science-et-vie.com/technos-et-futur/petnow-application-chien-truffe-87789.html
• https://petnow.io/company-introduction/?lang=en
BotNation
• https://botnation.ai/site/fr/chatbot-immobilier/
• https://www.youtube.com/watch?v=NCbnzzIvu98&t=369s
Compass
• https://medium.com/compass-true-north/likely-to-sell-recommendations-for-real-estate-47e2f5c37f4
• https://www.inman.com/2020/08/06/compass-launches-ai-powered-cma-tool-for-agents/
Gestion documentaire et process
• https://www.softlaw.ai/comment-lintelligence-artificielle-elimine-les-taches-de-saisie-dans-votre-etude
• https://www.prnewswire.com/news-releases/artificial-intelligence-more-accurate-than-lawyers-for-reviewing-contracts-new-study-reveals-300603781.html
• https://www.journaldelagence.com/1165253-legalife-lance-le-premier-logiciel-de-gestion-de-la-relation-client-dans-limmobilier-integrant-la-prediction-des-comportements-des-acheteurs
La Place de l’Immobilier : prédiction de déménagement
• Interview de Blaise Heurteux sur BSmart : Comment l’IA bouscule la digitalisation de la transaction
• pour en savoir plus > contactez-nous
Lectures
« L’immobilier demain, la RealEstech, des rentiers aux entrepreneurs », Robin Rivaton – Vincent Pavanello, Editions Dunod
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